L’Etat, meneur de jeu d’une équipe multisectorielle

Résolu à ne pas œuvrer seul, le gouvernement britannique a pris l’initiative de mobiliser une variété d’acteurs et de secteurs d’activité autour de la montée en compétence de publics déconnectés. Acteurs des télécommunications (British Telecom, Tesco, Talk Talk, EE), entreprises (BBC, Lloyds Banking Group), organismes parapublics (E.ON, Post Office), associations (Tinder Foundation, Citizens Online, Age UK) : au total, plus de soixante structures sont signataires d’un document fédérateur, la charte de l’inclusion numérique, dont les principaux points sont :

  • arrêter une définition commune de l’inclusion numérique,
  • identifier les bonnes pratiques et les appliquer sur l’ensemble du territoire,
  • baisser les coûts des technologies et des formations,
  • développer une plateforme unique de renseignement et de formation en ligne,
  • mobiliser davantage de bénévoles.

Cette vision partagée permet la mise en œuvre de collaborations multisectorielles inédites.

Plateforme unique : quand les entreprises arment professionnels de la médiation et bénévoles

Premier exemple fort de collaboration : la plateforme en ligne digitalskills.com, forum d’échange de bonnes pratiques à destination des médiateurs et des bénévoles formateurs. Développée par l’organisation Go ON UK, elle est alimentée en outils de formation et questions/réponses par les entreprises et associations, qui en font la promotion auprès de leurs écosystèmes locaux et de leurs salariés bénévoles : les Digital Champions (champions numériques).

Bonnes pratiques: quand l’action sociale s’allie aux entreprises des télécommunications

Dans un pays qui compte plus de cinq millions de personnes vivant dans des logements sociaux et où 37% de ces résidents ne sont pas connectés à internet, la mobilisation du secteur social et des bailleurs sociaux autour de l’équipement et de la formation des locataires est à la fois remarquable et nécessaire. Leur objectif commun est de garantir aux résidents des équipements, une connexion internet et une formation aux usages plus accessibles, plus abordables et plus durables. Depuis 2013, ils s’appuient notamment sur le Digital Deal Challenge Fund, un fonds national, destiné à financer des programmes d’e-inclusion en logement social, qui a déjà bénéficié à une douzaine de structures. Une négociation réunissant 26 bailleurs/associations et 12 opérateurs est actuellement en cours à Londres afin d’élargir et de banaliser l’équivalent du « triple play social » français.

L’exemple britannique montre que la prise de conscience et la mobilisation de tous les acteurs sont indispensables pour élaborer des solutions ambitieuses et ciblées, ainsi que pour mettre à l’échelle des bonnes pratiques autrement isolées.


L’inclusion numérique en six préceptes par le Government Digital Service

1. Se concentrer exclusivement sur les besoins et intérêts des usagers ;

2. Rendre le numérique plus accessible et plus simple d’utilisation ;

3. Motiver les usagers en touchant leurs intérêts ;

4. Mettre en place un environnement sécurisé qui inspire confiance ;

5. Coopérer avec tous les acteurs de l’inclusion numérique ;

6. Chercher à élargir son impact et mesurer sa performance.


[titre_hashtag] > Ils font l’inclusion numérique
En conversation avec Go On Uk[/titre_hashtag]

2b-image_interview Go ON UKActeur majeur de l’e-inclusion au Royaume-Uni, Go ON UK est une organisation qui s’est donnée pour mission d’offrir à tous la possibilité de développer son potentiel numérique. Elle place la double acquisition des compétences numériques de base, et d’une plus grande confiance en soi, au centre de son dispositif de formation et de sensibilisation. Ce dernier, étendu sur tout le territoire britannique, est porté par un puissant réseau de bénévoles, dits champions numériques :
les Digital Champions.

Connexions Solidaires. Pouvez-vous présenter brièvement Go ON UK, son statut, son rôle et sa mission ?

GOUK: Go ON UK repose sur un partenariat, la Digital Skills Alliance (l’Alliance pour les compétences numériques), qui rassemble des organisations telles que Age UK, Argos, BBC, Big Lottery Fund, E.On, EE, Lloyds Banking Group, Post Office et TalkTalk autour d’un objectif commun : permettre à chacun de profiter du numérique grâce à l’acquisition des compétences de base. Elles ont toutes formé des collaborations autour d’enjeux assez spécifiques. Par exemple, EE, un opérateur des télécommunications, et Age UK, une association dédiée à l’amélioration des conditions de vie des seniors, ont lancé ensemble les Techy Tea Parties (les ‘tea time’ numériques). Le principe est simple : EE ouvre ses boutiques pour permettre aux personnes âgées de se former, autour d’un thé, aux compétences numériques de base. Nos partenaires Argos et TalkTalk, deux grands groupes des télécommunications et du numérique, ont eux lancé une campagne de distribution de tablettes à bas prix pour près de 10 000 Britanniques. Go ON UK coordonne toutes ces initiatives. Par ailleurs, nous avons rassemblé, au sein du programme Go ON Local, des partenaires nationaux et des centaines de partenaires régionaux, qui vont de la maison de quartier au lieu de culte. Ils délivrent des formations au sein de leur communauté.

CS. Ce qui nous a marqué chez Go ON UK, c’est son puissant réseau de bénévoles, comment l’avez-vous bâti ?

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Le grand obstacle rencontré par les millions d’exclus du numérique est la motivation.

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GOUK: Durant l’année 2011, nous avons mené la campagne ‘Donnez une heure’ (Give an Hour) qui reposait sur la mobilisation d’une armée de champions numériques locaux (les Digital Champions), des bénévoles qui s’attaquent au plus grand obstacle rencontré par les millions d’exclus du numérique: la motivation. Cette campagne représente une étape décisive qui a permis de changer d’échelle dans la mobilisation de la société civile. Elle a bénéficié d’une intense promotion nationale qui a su toucher près de 334 000 volontaires. Tous ont donné un peu de leur temps à leur communauté ou à un proche, mais ont surtout contribué à faire émerger nos champions actuels.

CS. Qui sont ces Digital Champions ?

GOUK: L’expression « Digital Champion », champion numérique, désigne toute personne qui inspire, soutient et encourage sa famille, ses amis, ses collègues, ses clients, les personnes de sa communauté à développer ses compétences numériques de base. Ceci, dans le but de profiter des bénéfices du net. On trouve des Digital Champions partout : dans les grandes entreprises, au sein des équipes de petites associations locales, parmi les dirigeants de PME ou encore parmi les personnes impliquées dans la vie de leur quartier (l’école, la municipalité, les centres de soins, etc.). Actuellement, nos partenaires régionaux ont dénombré près de 15 000 Digital Champions sur le territoire national.

CS. Comment expliquez-vous ce succès ?

GOUK: Nous n’imposons pas de règles strictes à nos champions, et leur laissons une grande liberté. Ils partagent leur savoir-faire numérique selon leurs compétences et disponibilités. De plus, en ce qui concerne leur recrutement, nous nous appuyons sur les organisations locales qui sont les mieux positionnées pour identifier les talents et les besoins de leur communauté.

CS. Quels outils mettez-vous à leur disposition ?

GOUK: Pour inspirer et soutenir ces Digital Champions, qui aident les autres à faire leurs premiers pas en ligne, Go ON UK a créé le site digitalskills.com (ainsi que digitalskills/business, spécialement conçue pour les PMEs). Sur cette plateforme, ils trouveront les ressources utiles pour former les apprenants, ainsi que les événements, les projets et les organisations qui pourraient appuyer leur engagement, près de chez eux et sur tout le territoire. Ce sont eux qui nous ont fait remonter leur souhait d’avoir une plateforme pour partager leurs informations, idées et bonnes pratiques.

CS. Comment avez-vous conçu cette plateforme ?

GOUK: La construction de ce site a essentiellement reposé sur les besoins des utilisateurs. Pour cela nous avons organisé, dès le début de sa conception, des focus groupes et des sessions de test utilisateur. Aujourd’hui, les utilisateurs nous font part de leurs idées d’amélioration et de développement. Ainsi, nous continuons à développer le site selon un schéma itératif, et selon leurs besoins. Par exemple, les partenaires régionaux, tels que les bailleurs sociaux, nous ont indiqué qu’ils aimeraient avoir accès à une plateforme qui leur permettrait d’échanger des messages, des documents, des photos avec leurs bénévoles… Nous avons donc doté digitalskills.com de cette fonctionnalité pour permettre à ces organisations d’animer leurs communautés de formateurs.