En France, plus de 200 000 personnes proposent leurs services pour des missions ponctuelles de bricolage, transport de personnes, déménagement… Créer son activité plutôt que trouver un emploi, c’est la solution,  plébiscitée par certains, obligatoire pour d’autres, pour faire face à la crise. Signe d’une précarisation de notre société ou véritable révolution du travail, l’essor du « jobbing », dû à un contexte économique dégradé, au développement des places de marché digitales et à la flexibilité introduite par le statut d’auto-entrepreneur, engendre autant d’inquiétudes que d’espoir. Parce qu’elle touche, au-delà de nos modes de consommation, notre relation au travail, l’économie collaborative est la cible de vives critiques.
Dans l’étude « La France du Bon Coin » publiée par l’Institut de l’Entreprise en septembre 2015, son auteur David Ménascé tente, avec le point de vue de 50 micro-entrepreneurs, de décrypter ce phénomène et d’en distinguer les principaux enjeux.

L’ère de la débrouille 2.0

Selon l’auteur, les conséquences de l’économie collaborative sur l’évolution du travail suscitent autant d’enthousiasme que de crainte.
Si l’essor très rapide des plateformes numériques (d’Uber à Airbnb en passant par Youpijob ou Le Bon Coin) permet à de nombreuses personnes de trouver de nouvelles opportunités économiques, la logique du travail à la demande, sous forme de micro-entrepreneuriat et non plus de contrat de travail (« emploi stable »), fait craindre une précarisation du marché du travail et une fragilisation de la protection sociale des prestataires de service.

Plus généralement, le développement des plateformes numériques conduit à la création d’activités « hybrides » : juridiquement indépendantes mais économiquement dépendantes. Ces situations inédites, tant par le volume de prestataires que par la spécificité du modèle numérique (relations entre clients, prestataires et plateforme), exigent de réinventer le statut et la couverture sociale des prestataires, les formes de négociation et de dialogue social avec les plateformes.

4 types de micro-entrepreneurs

Parmi les micro-entrepreneurs inscrits sur les plateformes numériques de médiation, quatre profils émergent, dont les objectifs, les moyens et les compétences numériques diffèrent :

Les « malins » : ils ont le plus souvent un statut (salarié, fonctionnaire, retraité) et des revenus fixes mais souhaitent arrondir leurs fins de mois. N’étant pas dépendants des revenus perçus et disposant de compétences suffisantes, ils choisissent les plateformes en fonction du meilleur arbitrage temps passé – revenus.

Les « serviables » : minoritaires, ils sont attirés par les revenus complémentaires mais également par l’envie de créer du lien social. Leur motivation est la plus fidèle à l’esprit de l’économie collaborative.

Les « micro-franchisés » : ce sont ceux qui valorisent un nouveau rapport au travail et qui souhaitent développer une activité de travailleur indépendant. Ils ambitionnent à terme de tirer l’essentiel de leurs revenus de leur activité et choisissent le plus souvent les plateformes « opératrices » comme Uber.

Les « contraints » : ils sont les plus vulnérables. Bénéficiaires de minima sociaux ou sans-papiers, leur démarche relève davantage d’une logique de survie. Ils préfèreraient disposer d’un emploi salarié stable mais sont obligés de chercher de l’activité sur des plateformes numériques.

Des propositions pour réguler l’économie collaborative

David Ménascé termine son étude par des propositions de régulation permettant de concilier la protection sociale des travailleurs indépendants, la sécurisation de leurs parcours et la démocratisation de l’accès au marché. Quatre chantiers sont prioritaires : simplifier le statut d’auto-entrepreneur, créer des cadres de dialogue entre plateformes et micro-entrepreneurs, assurer une meilleure protection sociale et accompagner les micro-entrepreneurs dans la sécurisation de leurs parcours professionnels. L’auteur ouvre la voie à de nombreuses solutions pour pallier aux limites de cette nouvelle  économie de services et en valoriser l’utilité sociale, rappelant par la même occasion que la priorité doit être l’emploi qui « donne à chacun une place dans la société ».

Consultez l’étude dans sa totalité.